Ma Maison de Campagne ou Mes rêves d'enfant en plein été
Aujourd’hui, été 1998.
Je suis retourné enfin dans cet autre pays que j’aime. Aujourd’hui, je
suis dans ses montagnes que j’ai tant aimé tout au long de ma douloureuse
convalescence. Ces montagnes que j’ai connues à ce moment, comme une seconde
fécondation !
Celles qui m’ont permis de passer de la douleur de vivre à l’être, comme
ce magnifique papillon que je suis aujourd’hui.
Faire à nouveau un arrêt, pour attendre le verdict, celui du jury, et que
soit son couperet pendant que je me repose, moi le guerrier des mots.
Ici, le soir tombe doucement, la fraîcheur, douce bise du temps, m’envahit, me caresse. Le soleil tombe de sa branche céleste, rougit, flambe l’azur en face de mes yeux, explose pour me laisser quelques miettes d’un ciel qui se violace ; puis surgit la noirceur du soir et de ses étoiles qui l’illuminent.
Je rentre dans mon chalet de bois, enfin celui qui m’est confié. Le feu
crépite dans cette cheminée de pierre qui me rappelle tant de souvenirs.
Je m’assieds tout contre, pour me mettre au chaud, puis les secondes
passent ; je me mets à penser, rêveur et songeur…
Le mirage se crée, la pièce se remplit de personnes, de celles qui ne sont
plus aujourd’hui ; cette cheminée en est une autre ; la pièce juste un peu
plus grande.
Une ruche… celle de mes grand-parents, plutôt leur maison à la campagne, où avec mes parents et mon frère nous allions passer les vacances, celles de nos étés chauds, rageurs et vainqueurs dans leur renaissance du temps.
Ah, cette maison de campagne. Elle avait cinq ou six siècles, toute en pierre.
C’est solide la pierre !
Une aile avait été détruite durant la deuxième guerre, mocheté de guerre
où j’ai bien failli ne pas connaître mes grand-parents.
Cela fait bien trente ans qu’ils ont acheté cette maison. Petit-à-petit,
ils l’ont transformée.
Dans mes souvenirs, du début de mon enfance, c’était une ferme où vaches
et poussins partageaient le lieu de vie ; puis au fil du temps, Papy et
Mamie s’y sont installés confortablement, aménageant une cuisine, une
salle de bain avec wc, une mezzanine extérieure, une chambre sous le
toit - grâce à un faux plafond -, etc…
Nous mangions dans la grande pièce qui est devenue la salle à manger de
nos jours. Puis nous passions nos soirées dans le salon, c’était la seule
pièce chauffée. Normal, la cheminée y était.
Pendant que le feu flambait, les parents discutaient de sujets et d’autres,
politiques, religions, argents, vie quotidienne, etc…
Tandis que nous les enfants regardions la télévision ou nous nous amusions
soit aux cartes, soit avec ces fameux jeux de sociétés que sont les dames,
le jeu de l’oie, les chevaux, ou les échecs. Nous étions tous, tout prêt
de la cheminée, pour ne pas avoir trop froid, enfin pas trop prêt non plus,
pour ne pas avoir trop chaud devant et froid dans le dos. Je dis tous parce
qu’en plus de nous, il y avait aussi les oncles, tantes et cousins, cousines.
Que j’aimais y être ; face à ces journées insouciantes de l’enfance où
nous nous amusions à cache-cache dans les petits bois environnants. Papy
nous disait toujours de faire attention car il y avait réellement des loups,
ou du moins un ou deux dans la région. En effet, les villageois du coin
avaient eu à faire face, retrouvant leur poulailler mis-à-sac.
Parfois par peur pour nous, le papy venait avec nous ; ces jours-là, ils
nous faisait connaître la nature, surtout les champignons afin que nous
les reconnaissions. J’aimais à apprendre à les connaître et les cueillir,
bien que je déteste les manger.
D’autres jours, surtout certains après-midis nous allions nous amuser dans
l’étang du voisin. Pour y aller, nous descendions par le bois en contournant
le presbytère d’à côté, puis nous passions devant une fontaine, qui n’avait
plus de source. La légende prétend que Marie, la mère du Christ y avait bu ;
moi, je sais bien que ce n’est pas possible, c’est bien trop loin de Jérusalem, ici.
Sous la fontaine, il y avait une petite retenue d’eau. Papy nous interdisait
toujours d’en boire, alors nous y restions quelques minutes pour regarder
les têtards gigoter.
Sortis des bois, nous traversions un près en pente que nous descendions en courant. Papy nous criait toujours de faire attention mais nous, on s’en moqué, nous étions pressés d’arriver à l’étang. Là, soit nous nous amusions à nous battre dans l’eau, soit nous cherchions à attraper les canards et poules d’eau. À d’autres moments, nous péchions la carpe.
Certains matins, à l’encontre, Papy et Mamie nous emmenaient au village
voisin. Oh, c’était un petit village, avec sa place au milieu, couverte
d’alcôves qui abritaient toutes sortes de magasins : le boucher, le boulanger,
les fruits et légumes, la poste et bien d’autres.
Une des particularités du village était que toutes les maisons étaient
construites en briques rouges et en pierre de marbre, non polies bien sûr.
À l’intérieur, le bois régnait. Il y avait donc une ambiance chaleureuse
dans ce petit village où nous allions chercher le pain et le journal.
De temps à autres, Papy et Mamie nous offraient deux ou trois bonbons
quand ce ne fut pas le boutiquier qui nous les donnait.
Puis les journées passantes, les soirées aussi, près du feu de la cheminée, l’été touchait à sa fin. Il était temps de rentrer… temps de rentrer !
D’un coup, perturbé dans ma rêverie, j’entends ce maudit téléphone qui sonne. C’est la bibliothécaire de mon patelin qui m’avertit que ma dernière participation littéraire a été primée. Il faut que j’y sois à la fin du mois d’Août, pour la remise des prix.
Ah, la, la… la vie continue, elle aussi, son chemin ; les jours passent et mon été de repos touche à sa fin. Il va falloir que je redescende dans ma petite ville, pas très loin d’où habitent encore mes grand-parents, à trente kilomètres seulement. À trente kilomètres…
EsteBaN H.
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